Le domaine foncier de l’État représente un pilier fondamental dans la gestion des terres au Sénégal, englobant des terres publiques et privées. Ce patrimoine, largement dédié à l’usage collectif, joue un rôle crucial dans le développement socio-économique du pays. La gestion de ces terres, assurée directement par l’État, repose sur un contrôle strict de la distribution et de l’attribution, ancrée dans une tradition de monopole foncier. Cette approche vise non seulement à garantir une utilisation optimale des ressources foncières, mais aussi à sécuriser les droits des citoyens comme le prévoit l’article 25 de la constitution Sénégal (voir article).
L’article 25 de la Constitution sénégalaise consacre cette prérogative de l’État en matière de gestion foncière, garantissant ainsi un cadre juridique protecteur des droits des citoyens. Cet article énonce que toute politique foncière doit non seulement veiller à une répartition équitable des terres, mais aussi à la sécurité juridique des propriétaires et des occupants. Cela se traduit notamment par des mécanismes de contrôle stricts et des procédures rigoureuses dans l’attribution des terres, afin de prévenir les abus et les conflits fonciers qui pourraient survenir, tout en assurant une gestion transparente et inclusive.
Au-delà de cette approche sécuritaire, la politique foncière de l’État sénégalais s’inscrit dans une vision de développement intégrée, où la terre est perçue comme un bien commun destiné à servir les intérêts collectifs. Ainsi, les terres publiques sont souvent réservées pour des projets d’infrastructure, des équipements publics, ou encore des initiatives d’intérêt national, tandis que les terres privées de l’État peuvent être mises à disposition pour des projets économiques, sociaux ou agricoles, dans le cadre d’une stratégie globale de développement durable.
I- Gestion du Domaine de l’État : Principes et Enjeux
Le principe étant la gestion directe. Elle est le mode plus fréquente et rassurant pour l’État. En d’autres termes, l’État administre directement son domaine public (naturel ou artificiel) et privé (affecté ou non affecté), en s’assurant que les terres sont utilisées pour l’intérêt collectif. Il affecte les biens à des usages publics tels que les infrastructures, les routes, ou les bâtiments administratifs. Le domaine public est principalement affecté à l’usage de tous, ce qui confère à ce patrimoine une utilité publique dans la majorité de sa composition. Quant au domaine affecté, cette affectation justifie que l’État assure lui-même la gestion de ses biens fonciers, sans avoir besoin d’un mandat pour déléguer cette responsabilité. En effet, il s’agit d’une prérogative régalienne, permettant à l’État de garantir la bonne gestion et la protection de ses ressources foncières.
Historiquement, la gestion foncière du domaine de l’État est marquée par une logique de monopole. L’État a la mainmise sur la gestion et la distribution des terres. Cette approche centralisée permet à l’État de veiller à la mise à disposition des terres de son domaine au bénéfice des particuliers, tout en maintenant un contrôle strict sur les modalités d’attribution. Cela inclut la délivrance de titres de propriété officiels qui garantissent des droits fonciers sûrs et reconnus, assurant ainsi la sécurité juridique des transactions foncières.
L’un des principaux objectifs de cette gestion est également de mettre en place des mécanismes pour encadrer et faciliter la circulation des droits fonciers de manière sécurisée. Cela permet d’éviter les litiges, d’encourager la transparence et de renforcer la confiance dans le marché foncier. Ainsi, cette gestion rigoureuse exigée par le législateur assure non seulement la protection des terres, mais également leur utilisation optimale pour le développement économique et social.
II- Modes de Gestion Indirecte du Domaine de l’État : Une délégation Partielle, un Impératif à Connaître
Bien que l’État ait un contrôle fort, il existe des mécanismes qui permettent aux particuliers et entreprises de participer à la gestion foncière sous certaines conditions. La gestion foncière et immobilière ne saurait être dissociée de sa sémantique. Le terme « gestion » évoque gérance, administration et intendance, et renvoie à l’idée de s’occuper des affaires d’autrui. Dans le contexte du domaine de l’État, cela implique des opérations visant à rendre accessibles les terres publiques aux particuliers, tout en assurant la délivrance de titres réguliers et l’organisation de mécanismes sécurisés de circulation des droits.
1. Gestion indirecte du Domaine Public de l’État
Le domaine public se distingue par son utilité collective, représentant environ trois quarts de la consistance totale des terres selon la banque mondiale et ANSD. Selon les articles 5 et 6 de la loi n°76-66 du 2 juillet 1976, l’État est chargé de la gestion de ce domaine. Suivant ce même canevas, l’article 10 précise que « l’État assure la gestion du domaine public naturel et gère les dépendances du domaine public artificiel qui n’ont pas fait l’objet d’un transfert de gestion ».
Quant aux articles 11 et suivants définissent les différents mécanismes d’utilisation, tels que les permissions de voirie, les autorisations d’occupation et les concessions d’exploitation, chacun étant soumis à des redevances en fonction des avantages procurés. Il s’agira de clarifier successivement ces différentes notions:
• Permissions de Voirie : Ces autorisations permettent la réalisation de travaux en bordure de voie, encadrant ainsi l’impact sur le domaine public (voir article 12).
• Autorisations d’Occupation : Offrant à un tiers un droit temporaire d’occupation, ces autorisations sont précaire et révocable, garantissant une utilisation maîtrisée des terrains (voir article 13).
• Concessions d’Exploitation : Ces contrats régissent les relations entre l’administration publique et les particuliers pour l’exploitation de ressources naturelles, tout en imposant des redevances (voir article 15).
Avec l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013, le paysage de la gestion des terres a évolué, plaçant désormais les collectivités locales au cœur de cette responsabilité.
2. Gestion indirecte du Domaine Privé de l’État
Le domaine privé de l’État, selon l’article 21 de la loi n° 76-66, se divise en deux catégories : affecté et non affecté. La gestion se concentre sur le domaine non affecté, notamment sur les terrains à mettre en valeur.
Titres des Terrains à Mettre en Valeur : Un Outil de Développement
Les terrains à mettre en valeur, souvent des fonds de sol nus, doivent être administrés pour assurer leur utilisation rationnelle, comme le prevoit l’article 36. Les mécanismes de gestion incluent plusieurs titres qui facilitent cette valorisation :
• Autorisation d’Occupation : Ce titre permet à un individu ou à une entité d’occuper temporairement un terrain non loti. Il est précaire et révocable, ce qui signifie que l’occupant n’a pas de droits permanents sur la propriété. À l’expiration de l’autorisation, le terrain doit être libéré de toutes constructions, garantissant ainsi que l’État conserve la maîtrise de l’utilisation des terres (voir article 37).
• Bail Ordinaire : Décrit dans l’article 544 du Code des Obligations et des Contrats (COCC), le bail ordinaire est un contrat par lequel le bailleur (l’État) s’engage à fournir au preneur (le locataire) la jouissance d’un terrain contre paiement d’un loyer. La durée maximale de ce bail est fixée à dix-huit ans, offrant ainsi une certaine stabilité au preneur tout en maintenant la flexibilité nécessaire pour l’État (voir article 38).
• Bail Emphytéotique : Ce type de bail, qui peut durer de 18 à 99 ans, permet au preneur de réaliser des améliorations sur le terrain. À l’expiration du bail, ces améliorations reviennent au propriétaire (l’État). Ce contrat confère un droit réel, susceptible d’hypothèque, permettant ainsi au preneur de sécuriser des financements pour ses investissements (voir article 39).
• Concession du Droit de Superficie : Ce titre administratif confère à une personne le droit de jouir d’un terrain et des constructions qui y sont érigées, moyennant le paiement d’une redevance pour une durée déterminée. Ces concessions sont souvent utilisées dans les zones résidentielles pour des périodes de 25 à 50 ans, facilitant ainsi le développement urbain tout en garantissant à l’État un revenu régulier (voir article 40).
La gestion foncière et immobilière au Sénégal est donc un levier stratégique pour le développement économique et social du pays. Un cadre légal clair et accessible non seulement sécurise les droits des citoyens, mais encourage également les investissements et favorise une utilisation durable des ressources foncières.
Pour que cette gestion soit véritablement efficace, il est impératif d’améliorer la transparence, de renforcer la sensibilisation des citoyens et de simplifier les procédures administratives. En créant un environnement propice à l’acquisition et à la gestion des biens immobiliers, le Sénégal peut assurer un avenir plus stable et prospère pour tous ses citoyens. Il est temps de considérer le domaine foncier de l’État non seulement comme un actif à gérer, mais comme un véritable moteur de développement au service de l’ensemble de la nation.
Annexe : Bases Légales concernant le Domaine Foncier de l’État au Sénégal
1. Loi n°76-66 du 2 juillet 1976 :
• Articles 5 et 6 : Définissent la consistance du domaine public de l’État.
• Article 10 : Indique que l’État assure la gestion du domaine public naturel et gère les dépendances du domaine public artificiel.
• Article 11 : Précise que le domaine public peut faire l’objet de permissions de voirie, d’autorisations d’occupation, de concessions et d’autorisations d’exploitation, entraînant le paiement de redevances.
• Article 12 : Détaille les permissions de voirie, leur nature précaire et révocable.
• Article 13 : Énonce les autorisations d’occupation temporaire du domaine public et leur caractère précaire et révocable.
• Article 15 : Prévoit que les autorisations d’occupation nécessaires aux exploitations de mines et de carrières sont accordées selon la réglementation en vigueur.
• Article 18 : Indique que ces autorisations peuvent être accordées à titre gratuit si elles ont un caractère d’utilité publique ou d’intérêt économique ou social.
• Article 21 : Divise le domaine privé de l’État en domaine privé affecté et non affecté.
• Article 36 : Permet des autorisations d’occupation pour les terrains à mettre en valeur.
• Articles 37 à 39 : Détail des différents types de contrats pour la gestion des terrains à mettre en valeur :
• Autorisation d’occuper : Précaire et révocable pour des terrains non lotis.
• Bail ordinaire : Limité à une durée maximale de dix-huit ans.
• Bail emphytéotique : D’une durée de 18 à 99 ans, conférant un droit réel.
• Concession du droit de superficie : Accorde le droit de jouir d’un terrain pour une durée déterminée.
2. Code général des collectivités locales (loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013) :
• Article 293 : Indique que la gestion des terres du domaine de l’État relève désormais de la compétence des collectivités locales.
3. Lire la constitution du Sénégal: article 8, 25 et 76.
4. Voir la Thèse de Diangar: la protection du domaine de l’Etat).
Pathe Ba, Chief Legal Advisor & Partenerships at SEN RÉAL ESTATE.