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Le marché de l’immobilier au Sénégal est d’une particularité telle qu’il faille nécessairement adopter une prudence avant d’engager une transaction pour les raisons qui suivent :
Nombreux parmi les occupants d’immeubles sont juste des propriétaires apparents alors qu’il est un principe de droit selon lequel : « nul ne peut transmettre des droits qu’il n’a pas ».
Nombreux parmi les détenteurs de titre méconnaissent la législation en vigueur sur les immeubles, notamment : « le Principe de l’inexistence de droit réel sans inscription ».
Ceci s’explique soit par une inculture sur les lois et règlement en vigueur, soit par une rébellion de ceux qui considèrent toujours que les normes coutumières d’acquisition d’immeuble sont toujours d’actualités.
La conséquence est énorme en termes de cout financier.
En effet au Sénégal, un acheteur sur cinq (1/5) peine à affiner une transaction immobilière s’il ne passe pas par un notaire.
Par ailleurs, il existe des transactions immobilières portant sur des permis d’occuper et dont certaines réalités liées au déficit de logement, à la complexité des procédures entre autres, ont légitimé la pratique, qui ne respectent pas non plus les conditions juridiques tenant au contrat.
C’est l’occasion de réitérer le Principe : Il n’existe point de droit réel sans inscription ; et de rajouter, qu’il n’existe point de de droit d’occuper sans autorisation administrative préalable.
L’ignorance de ces règles pose un réel problème de sécurisation des transactions immobilières entre particuliers. C’est la maladie des « Modou-Modou » (expatriés en wolof). Ces derniers étant souvent confrontés à un court séjour pendant leur congé, sont enclins à effectuer des deals dans la précipitation sans s’assurer des garanties existantes.
D’autres particuliers, dans la même veine, sollicitent un crédit aux Banques et lorsque celui-ci est mis en place, ils sont tentés de libérer les fonds au vendeur sans prendre les précautions nécessaires, de peur de détourner l’objet du crédit.
C’est un phénomène actuel et sérieux, qui engendre énormément de contentieux au palais de justice.
Nous proposons ici trois conditions suivant le contexte de la transaction à engager :
VERIFIER LA QUALITE DU VENDEUR : PROPRIETAIRE OU MANDATAIRE
Cette qualité dépend de l’objet de la transaction, plus précisément de la nature de l’immeuble en question.
D’abord il faut retenir qu’un immeuble portant TF (Titre Foncier) ne peut être acquis que par devant l’office du notaire habilité par son propriétaire régulièrement inscrit au Registre Foncier du lieu de situation de l’immeuble. Exemple : Un immeuble inscrit au Livre Foncier de Kaolack, ne saurait être vendu devant un notaire dont la charge se situe à THIES.
Ensuite, il faut vérifier que l’immeuble n’est pas grevé de charge ; on parle de charge lorsqu’il s’agit d’une hypothèque ou d’une servitude. Exemple lorsque l’immeuble a été acquis suite à un prêt bancaire assorti de ladite garantie, la banque prêteuse dispose d’un Droit de suite en cas de non-paiement de la dette. C’est-à-dire que la transaction ne sera effective devant le notaire qu’autant que le crédit sera soldé soit par le débiteur ou l’acheteur.
Enfin s’il est mandataire, l’acheteur doit vérifier la l’authenticité de la procuration. Pour autant, ce point mérite d’être clarifié. En effet, s’il s’agit d’une personne physique la procuration peut être conventionnelle ou résulter d’une décision de justice.
Par contre s’il s’agit d’une personne morale, il y a lieu de vérifier les habilitations et pouvoirs prévus dans les statuts de la société pour que la transaction soit régulière.
VERIFIER SI LE PROPRIETAIRE DIRECT OU UN HERITIER
SI l’acheteur est en face du propriétaire direct, c’est simple.
SI l’acheteur est en face d’un HERITIER par contre il doit être prudent pour les raisons qui suivent :
-Lorsqu’un propriétaire d’un immeuble décède, son droit passe automatiquement au REGIME DE L’INDIVISION chez ses héritiers. C’est-à-dire que l’immeuble appartient à tous ses héritiers (sauf cas de renonciation à la succession) autant qu’ils sont tant que la succession n’est pas ouverte.
Ainsi, il faudrait pour l’acheteur de requérir :
* UN CERTIFICATICAT D’HEREDITE : il permet de vérifier si le vendeur est légalement reconnu héritier du De cujus.
* UN JUGEMENT DE LIQUIDATION/PARTAGE : il permet de connaitre la part du vendeur dans la succession. De savoir si le vendeur dispose réellement de droits sur l’immeuble.
UN CERTIFICAT DE NON APPEL NI OPPOSITION : cet acte permet à l’acheteur d’être libéré de tout vice sur l’immeuble. En effet, si les parties engagent de rendre effectif leur transaction, elles courent le risque de croiser par exemple une action en Appel qui souhaiterait que la succession soit révisée. Il peut s’agir également d’une pétition d’hérédité pour un individu qui s’estime être légalement héritier de la succession.
Cette vérification est d’autant plus indiquée pour les transactions portant sur les actes d’autorisation d’occuper (dans les collectivités territoriales).
Pour ceux-ci également, il est une pratique usuelle (sa légalité étant discutée) qui permet aux héritiers après réception du jugement de liquidation, de s’attribuer l’immeuble à leur nom. Pour tant dans les normes, et surtout pour les terrains non bâtis du domaine national, il est prévu dans la loi que ces droits sont précaires car ayant été attribuer intuiti-personae (en considération du titulaire).
Par : Jean Gabriel Moussa Senghor – Juriste d’Affaires Spécialisé en Contentieux Bancaire
– Chief Legal Counsel de SEN REAL ESTATE
Master en Droit privé, option Contentieux des Affaires | Expérience en médiation et procédures judiciaires